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La question peut paraître saugrenue, voire provocatrice. Il n’empêche, la Commission Européenne vient de rédiger une historique proposition de règlement, donc d’application directe dans les États membres, au doux nom de “European Média Freedom Act” (EMFA). Un intitulé qui, a priori, ne peut que recevoir l’approbation de quiconque est attaché à ce principe fondamental de la démocratie qui s’appelle la liberté de la presse. Mais l’initiative de la commission n’est-elle pas autant pavé de bonnes intentions que l’enfer de Dante ?

Certes il y a des pays de l’Union où la liberté de la presse est plus que questionnée. Mais cela justifie-t-il pour autant le jugement péremptoire de Mme Věra JOUROVÁ, vice-présidente tchèque de la commission et commissaire européenne aux Valeurs et à la transparence, principale rédactrice du projet de règlement qui, interrogé par les éditeurs, dont la FNPS, sur la liberté de la presse, s’est inquiétée que celle-ci ne soit pas “objective”. Mais alors, qui pour juger l’objectivité de la revue “Commentaire”, fidèle à son fondateur Raymond ARON ou du magazine militant la “Nouvelle vie ouvrière”. Heureusement personne, et est-il nécessaire de préciser que cela doit perdurer.

Pour s’en tenir à la France, et plus particulièrement aux formes de presse de la FNPS, le projet européen suscite de nombreuses interrogations.

Garantie par la loi de 1881, la liberté de la presse ne saurait être affaiblie ou entravée par des dispositions telles que le pouvoir discrétionnaire d‘un “directeur de la rédaction” qui entrerait en contradiction avec la responsabilité pénale, civile et économique du directeur de la publication et de l’éditeur, l’ingérence d’un “comité européen des services de médias”, l’absence de garantie suffisante à l’égard d’une justice privée de censure que pourraient instaurer les grandes plateformes numériques.

N’oublions pas l’exhortation de CHATEAUBRIAND qui demandait à ses lecteurs de “conquérir celle de nos libertés qui les vaut toutes, la liberté de la presse” (Mémoires d’Outre Tombe). L’éditeur, n’est pas une menace, mais, bien au contraire, le garant de cette liberté. Le directeur de la publication et l’éditeur protègent la rédaction en étant aux premiers rangs de la chaîne de responsabilité pénale et en veillant à assurer la rentabilité des titres de presse, condition première de leur indépendance. Cette responsabilité juridique et économique, et ce qu’elle implique d’engagement, ne saurait perdurer si les éditeurs n’étaient plus en mesure de participer activement à la détermination de la ligne éditoriale de leurs publications. C’est pourtant ce que l’EMFA propose d’instituer : une expropriation de l’éditeur sur la ligne éditoriale de ses titres. La FNPS s’y oppose avec fermeté.