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Le Syndicat de la Presse Professionnelle (SPPRO) et l’association MediaPro avaient retenu un thème au cœur de la problématique de tous les éditeurs pour leur conférence qui s’est tenue le 29 novembre dernier lors du salon La Presse au Futur : « Revenus numériques, que faut-il en attendre et comment les activer ? ».

Pour couvrir ce sujet passionnant, essentiel et parfois complexe à adresser, quatre intervenants avaient été invités à témoigner et à partager leurs expériences et leurs connaissances. Cette matinée a été un vrai succès avec plus de 120 participants qui ont pu écouter et questionner Maurice BOTBOL (fondateur et directeur d’Indigo Publications), Éric ZUBER (directeur général adjoint du Groupe Revue Fiduciaire), Maxime MONÉ (co-fondateur de Poool) et Sandra CHASTANET (directrice du département ayants droits et affaires internationales du CFC).

La matinée était animée par Jean-François HATTIER, conseil en économie et marketing de l’abonnement et qui accompagne les éditeurs dans le développement de la monétisation de leurs contenus. Avant d’échanger avec les quatre intervenants, Jean-François HATTIER a présenté les dernières tendances issues de la veille internationale qu’il réalise. Il en ressort que le travail sur l’engagement des lecteurs est un facteur clé de réussite. Cela conduit les éditeurs, au-delà de la qualité de leurs contenus et produits, à travailler la personnalisation de la relation, la simplification des usages et à intégrer un marketing prédictif optimisant acquisition, conversion et rétention des abonnés. Les newsletters, qui constituent un moyen d’engagement et de personnalisation très fort, sont de plus en plus utilisées par les éditeurs qui y accordent des moyens accrus. Également très tendances, les paywall se généralisent et deviennent dynamiques (voir plus bas le retour de Poool).

Enfin, Jean-François HATTIER a noté que de nombreuses contributions, mettent maintenant au second plan les « recettes miracles » et insistent davantage sur les fondamentaux méthodologiques à respecter : travail sur les données (pertinentes !), suppression des cloisonnements entre les équipes, développement d’une culture d’entreprise donnant la priorité aux lecteurs, aptitude à tester et mesurer les actions.

Premier éditeur à présenter son retour d’expérience, Maurice BOTBOL a exposé le cas d’Indigo Publications qu’il a créé il y a 35 ans avec le lancement de La Lettre de l’Océan Indien qui sera suivie par d’autres lettres professionnelles. Numérisant ses contenus très tôt et lançant son premier site dès 1995, Indigo Publications est depuis plusieurs années un éditeur 100% numérique.

Les revenus d’indigo Publications proviennent exclusivement de la vente de ses contenus et la société n’a jamais cherché à diversifier ses activités, se concentrant et capitalisant sur son rôle d’éditeur. Avant toutes choses, Maurice BOTBOL a rappelé le caractère primordial de la qualité et de l’exclusivité des informations. Ensuite, pour que cette qualité se traduise en une monétisation réussie, il faut des liens très forts entre les produits édités et les clients. C’est ce qui a poussé Indigo Publications à maitriser l’intégralité de sa chaine rédactionnelle et commerciale en développant son propre système d’information. C’est un travail de long terme, un véritable investissement qui permet à l’éditeur de travailler en autonomie, de disposer d’une vision unique du client et de pouvoir évoluer au plus près des nouveaux besoins et comportements des lecteurs. En matière marketing, cette vision unique des clients se nourrit de la prise en compte de leurs comportements et de leurs centres d’intérêts issus de leurs consommations, ce qui est la clé de la personnalisation et de l’accroissement des recettes. Enfin, Maurice BOTBOI a rappelé combien il était essentiel, et souvent compliqué, de faire simple pour les lecteurs.

Éric ZUBER, deuxième éditeur invité à intervenir, a présenté l’évolution du Groupe Revue Fiduciaire qui s’est fortement modernisé et numérisé au cours des dernières années. Ce groupe familial fondé il y a plus de cent ans et proposant des publications, services et solutions expertes aux spécialistes du droit fiscal, de la comptabilité, des RH et du social, a ainsi renforcé sa position d’éditeur et su capitaliser sur les nouvelles technologies, notamment par la prise de participations dans de nombreuses start-up.

Aujourd’hui, le numérique représente 25% du chiffre d’affaires de la société qui cherche en permanence à s’adapter aux différents comportements de ses lecteurs. Éric ZUBER, qui a rejoint le groupe en tant que directeur général adjoint en 2017, a ainsi insisté sur l’importance de bien comprendre les besoins et attentes des clients. Par exemple, alors que les experts comptables historiques cherchaient à se former et à intégrer les connaissances, les nouvelles générations sont plus enclines à aller chercher l’information au moment où elles en ont besoin. Partant de cette analyse, le Groupe Revue Fiduciaire a développé, à partir de ses contenus numérisés, WebPlus, une base de données documentaire pluridisciplinaire. Autre exemple d’innovation issue de l’analyse de l’évolution des comportements, le lancement de modules de formations continues sur smartphones. C’est en collaborant avec Digischool, startup au sein de laquelle le groupe a pris une participation, que ces premières offres de M-learling pour professionnels ont pu être développées. Au-delà de l’importance de devenir une société techno, Éric ZUBER a rappelé, comme Maurice BOTBOL, le caractère essentiel de bien maitriser l’intégralité de la chaine de la production de l’information jusqu’à la fourniture du service et à la relation avec les clients.

L’intégration de paywall constituant une brique fondamentale pour les éditeurs souhaitant développer la monétisation de leurs contenus numériques, Maxime MONÉ co-fondateur de start-up française Poool qui a développé une solution de paywall intelligent, a ensuite présenté les dernières tendances en la matière. Les éditeurs s’orientent de plus en plus vers la mise en place des paywalls dynamiques qui permettent de proposer une meilleure expérience d’accès aux contenus premium pour les lecteurs avec des parcours de lecture sur mesure.

Les paywalls dynamiques offrent également l’avantage de donner la main aux équipes des éditeurs pour créer, tester et optimiser leurs stratégies de monétisation, notamment en fonction du profil des lecteurs. Pour Maxime MONÉ, les paywalls dynamiques sont particulièrement intéressants pour les éditeurs de presse professionnelle, car ils permettent de s’adapter aux différents business models des éditeurs BtoB (publicité, abonnement, data, formation, …). Les paywalls dynamiques permettent l’optimisation de l’ARPU (average revenue per user) en évitant d’opposer les différentes lignes de recettes qui doivent s’additionner au sein du business models des éditeurs. Pour le co-fondateur de Poool, il n’existe pas de modèle unique ni de formule magique dans la mise en place d’une stratégie de monétisation et dans l’implémentation d’un paywall. La réflexion doit être propre à chaque éditeur, à chaque marque. Le meilleur moyen pour maximiser les chances de réussite est de tester différentes approches, de se tromper, d’apprendre et d’optimiser les scénarios mis en place. Pour piloter les projets, il est important de capitaliser sur des personnes disposant d’une vision à 360° de l’entreprise et de son business model dans toutes ses composantes.

Enfin, et parce que le numérique multiplie les types d’usage des contenus, leurs réutilisations par d’autres et que cela représente à la fois des opportunités de recettes mais également des risques pour les éditeurs, Sandra CHASTANET (directrice du département ayants droits et affaires internationales du Centre Français d’exploitation du droit de Copie) avait été invitée à apporter son éclairage sur ces nouveaux usages et leur encadrement. Rappelons que le CFC est l’organisme de gestion collective, agréé par le ministère de la Culture, qui représente les intérêts des ayants droit du livre et de la presse pour les usages secondaires de leurs contenus.

En ce qui concerne la presse, Sandra CHASTANET a précisé que ce sont les reproductions et rediffusions d’articles de presse dans le secteur professionnel qui génèrent l’essentiel des redevances perçues (21M€ en 2017), et principalement les panoramas de presse numériques réalisés par des prestataires de veille spécialisés et rediffusés en interne dans les entreprises et les administrations. À côté de ces diffusions structurées, le CFC encadre également les reproductions et rediffusions internes ponctuelles et non structurées d’articles de presse. En effet, une récente étude a montré que 63% des cadres d’entreprises de plus de 50 salariés partagent en interne des articles numériques dont la source est majoritairement un site web ou un abonnement payé par l’entreprise. Par ailleurs, le marché de la veille s’étant diversifié avec l’apparition des « crawlers » (prestataires de veille web qui utilisent des robots pour récupérer les contenus sur les sites des éditeurs afin de créer des produits sous forme de liens ou d’analyses), le CFC s’est adapté et propose maintenant une licence spécifique, déjà signée par cinq de ces nouveaux acteurs. Le CFC propose également un outil de régulation des robots de crawling qui permet d’identifier et le cas échéant de bloquer les robots indésirables, et notamment ceux qui refusent de signer la licence CFC.